Allistair se trouvait dans son bureau. Il était en train de préparer la liste de ses étudiants pour les examens de fin d’année. Et comme à chaque fois, il se prenait la veille. Il était vingt et une heure et il se trouvait encore dans cette foutue université, plutôt que d’être tranquillement calé chez lui, un bon bouquin à la main ... Ses pensées divaguèrent, tandis qu’il écrivait machinalement.

Mais en même temps, serait-il capable de se reposer après la réunion d’il y a quelques jours ? Allistair s’interrogeait sur cette affaire. Il ne connaissait absolument pas l’étudiant impliqué. Mais se dire que c’était peut-être un de ses collègues qui avait fait le coup, cela lui faisait froid dans le dos ... Surtout que de ce qu’il savait de tout ça, plusieurs personnes correspondaient. Des personnes plus ou moins proches de lui, mais avec qui il travaillait tous les jours.

Un autre problème avec ça : ses étudiants étaient complètement dissipés. Il pariait que la plupart allait se foirer à son examen car ils auraient préféré mener leur enquête de leur côté plutôt que de réviser. Si lui-même avait du mal à se concentrer, ces têtes vides n’allaient jamais y arriver ...

Il grogna en revenant à la réalité. Il lui manquait le numéro d’un étudiant. Il chercha dans ses papiers, mais ne le retrouva pas. Sûrement se trouvait-il dans l’ordinateur de son bureau. Mais c’était tellement un bordel sur qu’il ne savait pas où était le clavier et la souris. Et puis, avec la chance qu’il avait, ça n’allait pas marcher ... Il ne lui restait donc plus qu’à aller à l’administration pour trouver son dossier.

Il y alla en trainant des pieds. Ca l’emmerdait profondément de faire ça. Mais bon, ce n’était pas comme s’il avait le choix. Personne n’allait le faire pour lui. Il bailla en marchant à travers les couloirs. Il serait bien mieux au chaud dans les bras de Grace, à se faire dorloter plutôt que là ...

Il se stoppa en voyant de la lumière. Ce n’était pas normal. En principe, tout le monde était parti. Il était persuadé d’être le dernier professeur et membre de l’administration présent. Il avança doucement, ne faisant aucun bruit. La scène qu’il découvrit le surprit. Une étudiante était en train de fouiller dans les dossiers ...

« Quand on veut être discret, on n’allume pas la lumière. »

Il se rendit alors compte qu’il la connaissait ... Harrington. Quelle heureuse coïncidence.

« Je vous laisse dix secondes pour me donner une raison valable pour votre présence ici. »

Il tenait peut-être là le moyen de se débarrasser de ce parasite, de cette sale peste, de cette ignoble fille ... Oui, quand on se moquait de lui, il était rancunier, et alors ?!

Elle avait sursauté, signe qu’elle ne l’avait vraiment pas entendu. Mais elle était sourde ou quoi ? Il faut dire que vu le bordel qu’elle faisait, ce n’était pas étonnant. Elle devait se croire seule ... Loupé, il était là et il ne comptait pas la laisser filer. Elle commença à bafouiller et cela lui tira un sourire sarcastique. Allons bon, même pas capable de s’expliquer correctement. De mieux en mieux la jeunesse ...

Le mensonge qu’elle lui sortit était énorme. Il écarquilla un peu les yeux, se demandant si elle ne le prenait pas pour un débile tant qu’elle y était. En même temps, venant d’une étudiante se moquant ouvertement d’un professeur, ce ne serait pas étonnant. Oui, il ne l’aimait pas. Il faut dire que c’était de la faute de la jeune femme. Elle aurait mieux fait d’y réfléchir à deux fois avant de s’en prendre à Allistair, qui était horrible avec les gens qu’il n’aimait pas.

« Pardon ?! Comment osez-vous me parler sur ce ton ? A moins que vous n’ayez pas remarqué, mademoiselle, vous êtes un peu dans une situation délicate. Ca vous ferait plaisir que j’appelle la police pour vandalisme ? Alors si vous ne voulez pas en arriver à une telle extrémité, surveillez votre langage. »

Il lui décocha un regard noir, appuyant sa menace. Mais il n’allait pas le faire. Déjà, parce qu’elle s’excusait. Ensuite, parce qu’elle lui avait dit avait éveillé sa curiosité. Ainsi donc, elle savait quelque chose sur l’agression ... Peut-être pourrait-il marcher de pair avec elle ... Pour découvrir qui c’était, il serait capable de tout.

« Ce n’est rien. Et je suppose que vous devez également être un peu sur les nerfs, avec ce qui se passe à l’université. »

Allistair sympa avec quelqu’un qu’il n’aimait pas ? C’était un jour à marquer d’une pierre blanche ! Non franchement, ça l’emmerdait, mais il allait bien devoir jouer à l’hypocrite s’il voulait obtenir ce qu’il voulait.

« Est-ce que par hasard, vous auriez vu à quoi ressemblait cette personne ? Est-ce que vous pourriez me la décrire ? Même en gros. »

Il fronça les sourcils, signe qu’il réfléchissait intensément. Etait-ce vraiment raisonnable de se comporter comme ça avec une étudiante ? Oh et puis pourquoi pas hein.

« Parce qu’il est possible que j’ai vu quelqu’un ... Et si cette personne est la même, alors il est possible que ce soit l’agresseur. »

Il n’en dit pas plus, car il ne voulait pas l’influencer. Il avait été prouvé qu’en donnant la description de quelqu’un, les gens pouvaient croire l’avoir vu, alors que ce n’était pas vrai. Allistair préférait être prudent.

Et voilà qu’elle s’excusait aussi ... Que beau duo d’hypocrites. Mais bon, il fallait bien faire un effort s’il voulait obtenir l’information qu’il cherchait. Le problème, c’est qu’ils étaient tous les deux méfiants. Ca promettait ... Il continuait de la fixer que pouvait-il craindre d’elle ? Rien à vrai dire, si ce n’est de déblatérer des saloperies sur lui, mais ça, elle l’avait déjà fait. N’empêche que ... Si ça trouve, elle était une complice de l’agresseur. L’esprit légèrement paranoïaque d’Allistair se mit en route. Elle était en train d’effacer toutes les traces de l’agresseur ...

Il secoua la tête. Non mais n’importe quoi. Il soupira un coup et tenta de se détendre. Ce n’était qu’une étudiante après tout, pas un monstre. Il écouta ce qu’elle lui disait. Il était vrai que les menaces qu’avait reçues Jonas étaient assez inquiétantes. Mais cela ne les avançait en rien. Sans savoir à quoi il ressemblait, comment feraient-ils pour le retrouver parmi tous les étudiants de la fac ? Ce n’est pas comme si qu’ils étaient dans une université avec presque trente milles étudiants ...

Il fronça les sourcils. Elle était incohérente dans ses propos. Si elle ne savait pas à quoi il ressemblait, pourquoi lui demander une description ?

« Mais qu’est-ce que vous me racontez ... ? »

Ouais en fait, elle était en train de le mener en bateau. Il serra les dents. La garce. Elle avait de la chance d’être une étudiante, sinon il lui aurait surement dit le fond de sa pensée. Il resta quelques secondes silencieuses avant de reprendre, d’une voix doucereuse :

« On ne vous a jamais dit que le mensonge, c’était mal ? Si vous voulez qu’on puisse avoir un quelconque dialogue et avancer, il va falloir arrêter de me mentir à tout bout de champs. »

Il soupira. C’était vraiment, mais VRAIMENT parce qu’il était curieux. Sinon il aurait déjà laissé tomber et aurait fait demi-tour. Allez, il allait encore faire le premier pas ... mais ce serait la dernière fois. Fallait pas le prendre pour un con non plus.

« Apparemment, il aurait les cheveux bouclés et des lunettes ... Et je me demande si ce n’est pas un professeur d’ailleurs ... »

Il continuait de réfléchir, essayant de se rappeler de quelque chose, d’un autre indice, d'un détail.

« Il a fermé la porte de mon amphithéâtre à vingt-deux heures et une heure plus tard, je l’ai vu courir dans le couloir ... »

Il se massa les tempes. La journée avait été longue et il sentait le mal de tête arriver.

« Si ça se trouve, c’est le dernier professeur qui a occupé l’amphithéâtre, le même qui a dit à Hurd-Wood qu’il avait verrouillé sa porte à vingt-deux heures. »

C’était plausible après tout ... Ils ne leur restaient plus qu’à trouver les emplois du temps des amphi’ alors, en espérant qu’ils soient à jour et qu’il n’y ait pas eu de changements.